Voici mon texte d’opinion dans Libre Média concernant l’intolérance délirante de notre société dans la polémique autour de Guillaume Lemay-Thivierge.
Retrouvez l’article dans Libre Média en suivant ce lien : https://libre-media.com/articles/affaire-lemay-thivierge-sommes-nous-vraiment-tolerants
Selon l’animatrice Éloïse Boies, la «cancellation» de Guillaume Lemay-Thivierge à la suite de sa vidéo maladroite et déplacée témoigne malgré tout d’une grande intolérance dans la société québécoise. Une réflexion est de mise.
Il est important de faire un travail de prise de conscience collective ici et de se rappeler que la lutte contre le racisme, ou encore le sexisme, l’homophobie, l’islamophobie, etc., part du désir de vivre dans un monde plus tolérant.
Revoyons d’abord la définition du mot tolérance. «Attitude qui consiste à admettre chez autrui une manière de penser ou d’agir différente de celle qu’on adopte soi-même; fait de respecter la liberté d’autrui en matière d’opinions.»
Voilà qui nous remet en pleine figure notre propre façon de «lutter contre l’intolérance». Ne voyez-vous pas à quel point nous sommes devenus intolérants, collectivement?
Ces dernières semaines, particulièrement dans l’histoire Guillaume Lemay-Thivierge, le Québec semble s’être métamorphosé une fois de plus en brute enragée, sans pitié, qui déchire et lapide quiconque ne se plie pas au code de conduite admis par la «très inclusive et tolérante clique» qui a le micro et le droit de parole dans la sphère publique depuis quelques années.
Réactions démesurées
Cela ressemblait davantage à une quête de vengeance, une avidité de voir payer un bouc émissaire pour toute la violence que des gens ont pu vivre aujourd’hui et hier en raison de la couleur de leur peau.
Mais la justice, si elle existe, doit survenir à travers un processus rigoureux de quête d’information, afin de trancher hors de tout doute que la sentence octroyée s’applique bel et bien à un coupable, quelqu’un qui a commis un crime.
Or, dans le cas de Guillaume Lemay-Thivierge, on a vu une vidéo étrange, où il s’exprime de manière ambigüe devant un bouleau en semblant vouloir faire un curieux jeu de mots. Maladroit? Oui. Raciste? Non!
Comment peut-on avoir la certitude absolue que Guillaume avait un discours haineux envers une partie de la population? Parce que je rappelle, le racisme est défini comme une «discrimination» et une «hostilité violente envers un groupe humain.» Hostilité violente.
Guillaume a tenu des propos devant un arbre où étaient inscrites ces fameuses lettres interdites en faisant référence à une expression populaire (encore là, jamais nommée, donc impossible de le dire hors de tout doute) tirée de l’histoire de notre pays.
Parce que oui, en Amérique, un grand nombre de Noirs ont été de vaillants travailleurs acharnés avec un passé d’esclave.
Faire référence à ce passé est-il de l’hostilité violente? Je ne trouve pas, non. Y faire référence (si c’est ce que Guillaume faisait), en utilisant le «mot en N» est-il de la discrimination? Je ne pense pas non plus. Et que nous soyons tous obligés collectivement de faire référence au «mot en N» au lieu de le nommer est rendu absolument ridicule.
Purger la langue?
Ce mot a été surchargé comme une bombe nucléaire où on aurait créé la fission de l’atome à force de s’insurger à chaque fois qu’un non-Noir s’y frotte. Maintenant, elle explose de façon disproportionnée trop souvent, laissant des morts décapités dans son sillage. Morts qui n’avaient pas à payer si cher pour l’usage du mot noir en espagnol…
Dois-je vous rappeler que les pays Niger et Nigeria s’appellent ainsi à cause du mot que je n’ai pas le droit de prononcer ni d’écrire (en latin)? Est-ce que cela veut dire que je ne peux plus nommer ces pays? Faut-il les rebaptiser?
Ou peut-être pourrait-on seulement admettre que des pays entiers ne s’en offusquent pas plus qu’ils ne démarrent une grande inquisition pour déterminer qui a le droit ou non de prononcer un mot en faisant référence à un triste passé, Dieu merci, derrière nous?
Nier l’histoire est un danger plus grand que de la considérer et d’en apprendre.
Nous sommes une société qui a évolué, qui a choisi de nommer un président noir à la tête de la plus grande puissance mondiale pour deux mandats consécutifs.
Il serait bien erroné de penser que nous vivons dans une société infiniment intolérante envers les Noirs. Est-ce qu’il y a encore du racisme? Bien sûr que oui! Mais tellement moins qu’avant et on devrait s’en réjouir au lieu de toujours focaliser à l’extrême sur des exemples aussi boiteux que la dernière «polémique» sur Guillaume Lemay-Thivierge.
Cependant, cela m’amène à un point sur lequel je désire mettre en garde aujourd’hui. C’est l’intolérance monumentale dont nous avons fait preuve dans la foulée de cette histoire. Guillaume a perdu son contrat d’animation des Chanteurs masqués, une émission qui revenait pour une quatrième saison.
Il a vécu une violence inouïe sur les réseaux sociaux. J’ai vu des montages ridicules de parachutes (en référence à sa compagnie) transformés en cagoules pointues et blanches rappelant celles du Ku Klux Klan, j’ai entendu des gens se réjouir publiquement de sa perte d’emploi et du sort qu’on lui réserve.
Indignation à géométrie variable.
Pendant ce temps, on continue d’utiliser à toutes les sauces le terme «bitch» dans les numéros de stand-up, dans la musique, dans les films, dans les conversations tenues par des hommes ou des femmes.
Personne ne dit le «b-word» et pourtant, traduit en français, bitch signifie salope. Il n’y a aucune équivoque quant à sa nature hautement dénigrante et péjorative. Ce que je veux faire remarquer, c’est que dans notre société l’indignation est à géométrie variable. Le sexisme ne semble pas déranger autant que le racisme.
Les événements ont pris des proportions démesurées et les intolérants sont moins ceux qu’on juge racistes que ceux qui disent lutter contre le racisme.
Il faudrait prendre une grande respiration et cesser de s’offusquer pour des blagues ambiguës (pas drôles et maladroites, soit, mais pas violentes non plus), l’utilisation d’un mot dans un contexte qui ne vise pas à dénigrer ou discriminer.
Finalement, il faudrait prêcher ce qu’on dit et adopter une attitude plus tolérante. Oui. C’est surtout de tolérance dont nous avons tous besoin.
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